La « polizei » est là… mais ne semble pas plus affairée que d’habitude. Lundi matin classique à Kehl, la ville frontière de Strasbourg. Les frontaliers traversent tranquillement le pont de l’Europe. A pied, à vélo ou en véhicule. Ces derniers ralentissent certes un peu devant le poste-frontière où sont stationnés des voitures siglées, mais c’est tout.
« Je suis passé il y a cinq minutes, je n’ai pas vu de changement », confirme Guillaume, venu chercher des cartouches de tabac à moindre coût de ce côté du Rhin. Le trentenaire l’avoue, il n’était même pas au courant que l’Allemagne avait décidé de rétablir des contrôles à l’ensemble de ses frontières. Une mesure prise pour les six prochains mois et renouvelable pour deux ans maximum.
Le but ? Lutter contre l’immigration illégale, un sujet devenu central dans les différents länder ces dernières semaines. Depuis une série d’attaques islamistes commises par des étrangers, dont la dernière meurtrière fin août. Un Syrien avait alors tué au couteau trois personnes lors d’un rassemblement de chrétiens, attentat revendiqué par le groupe djihadiste Etat islamique. « C’est très bien qu’il fasse ça, ils ont raison. On devrait l’étendre à la France », réagit Didier*, un sexagénaire avec un avis très tranché sur l’immigration. A côté d’elle, Sylvie* se veut plus mesurée. « De toute façon, ici, il y a plusieurs ponts : on passe comme on veut alors… Moi je n’ai pas été embêtée. »
« Les policiers scrutaient mais rien de plus »
Tous les Français croisés disent la même chose : « Ça passe sans problème. » Y compris dans le tram qui relie les deux villes, appuie Youssef, lui aussi « venu chercher des clopes ». « J’avais préparé mes papiers au cas où mais je n’ai vu personne se faire arrêter. Les trois ou quatre policiers allemands scrutaient, mais rien de plus. C’est peut-être vers la Pologne que ça se passe », tente Eléanore, ravie que le libre passage reste la norme. Surtout pour elle qui vient régulièrement faire ses courses au Dm-drogerie markt et autres Lidl.
« J’ai connu le temps des vrais postes-frontières, comme c’est le cas encore en Suisse. C’est quand même très agréable de passer d’un pays à l’autre aussi facilement. J’espère que ça restera comme ça », complète la retraitée, défavorable à un éventuel durcissement côté français. « Ce n’est pas ce que j’aime mais j’ai peur qu’on y vienne… »
L’histoire n’en est pas là. D’autant que les deux villes frontières semblent attachées à cette fluidité. Les maires de Strasbourg et Kehl l’ont redit dans un communiqué dimanche. « Aujourd’hui, le Rhin n’est plus un fleuve frontalier, mais il fait partie intégrante d’un espace de vie commun », écrivent Jeanne Barseghian et Wolfram Britz. « Nous demandons au gouvernement fédéral allemand ainsi qu’au gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg de veiller à limiter ces contrôles afin qu’ils n’entravent ni ne restreignent la mobilité, la cohabitation et la vie transfrontalière de nos habitants. »
Même situation pont Pfimlin
Message pour le moment entendu, pas uniquement au fameux pont de l’Europe. A une dizaine de kilomètres au sud, à la sortie du pont Pfimlin, aucune trace de forces de l’ordre germaniques. La circulation est très fluide en milieu de matinée. Une bonne surprise ? « Heureusement sinon j’aurais été à la bourre », sourit Patricia, qui emprunte ce chemin chaque jour pour aller travailler chez un marchand de boissons à Goldscheuer.
« Mais pendant les Jeux olympiques, c’était différent. Des policiers allemands étaient là tous les jours et regardaient tous les véhicules mitraillettes à la main. Ils en arrêtaient, comme la plupart des bus », témoigne-t-elle encore, surpris par le peu de clients dans la boutique ces derniers jours. « Peut-être que certains craignent les contrôles… »
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