Marine Le Pen et Emmanuel Macron, deux programmes diamétralement opposés

Marine Le Pen et Emmanuel Macron, deux programmes diamétralement opposés

Economie, institutions, Europe… Les projets des deux finalistes de l’élection présidentielle divergent sur bien des points, même si quelques convergences existent.

Cinq ans plus tard, l’affiche du second tour de l’élection présidentielle est la même. Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont terminé en tête du premier tour du scrutin, dimanche 10 avril. Les électeurs devront départager le 24 avril deux projets, dans l’ensemble radicalement opposés, même si certains sujets de convergence existent.

Une grande opposition sur les retraites

Les deux finalistes du second tour partagent certaines convergences de vue sur l’économie. Ainsi, tous les deux prônent une politique économique tantôt libérale, tantôt interventionniste. Tous deux sont également favorables à une baisse des droits de succession et à une suppression de la redevance audiovisuelle.

Marine Le Pen se démarque cependant d’Emmanuel Macron sur certains points. Elle prône par exemple la suppression de l’impôt sur la fortune immobilière pour le remplacer par un nouvel impôt sur la fortune financière. Elle propose de baisser la TVA à 5,5 % sur l’énergie. Elle souhaite également une renationalisation des autoroutes.

Emmanuel Macron, lui, veut tripler le montant de la prime exceptionnelle exonérée de charges et d’impôts. Il souhaite également conditionner le versement du revenu de solidarité active (RSA) à une « activité effective » et adapter les règles de l’assurance-chômage en fonction de la situation du marché de l’emploi.

Surtout, les deux candidats s’opposent sur les retraites, ce qui sera probablement l’un des grands sujets de débats de l’entre-deux-tours. La candidate du Rassemblement national (RN) défend un âge légal de départ à la retraite à 60 ans (pour ceux qui ont travaillé avant 20 ans et pendant quarante ans). Emmanuel Macron, lui, veut le relever à 65 ans et envisage toujours une réforme plus vaste.

En accord sur le nucléaire, pas sur les énergies renouvelables

Emmanuel Macron défend dans son programme la relance de la filière nucléaire française, avec la construction de six premières centrales de nouvelle génération. Il est aussi favorable au développement des énergies solaire et éolienne (avec notamment cinquante parcs éoliens en mer d’ici à 2050) ainsi que de l’hydrogène. Il veut également instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Europe et proposer une offre de voitures électriques de location à des prix abordables.

Marine Le Pen est également favorable au nucléaire. Elle souhaite, en revanche, un moratoire sur l’énergie éolienne et solaire. Son programme comprend aussi la reconnaissance constitutionnelle du statut juridique des animaux.

Les deux candidats ont été critiqués par plusieurs organisations indépendantes pour les lacunes de leurs propositions environnementales. Le cercle de réflexion The Shift Project a mis en doute « la crédibilité de la stratégie proposée » par Marine Le Pen en matière de transition environnementale. Quant à Emmanuel Macron, il leur a répondu en retard, l’association n’a donc pas analysé son programme. Le Réseau action climat a, lui aussi, mis en doute les engagements des deux finalistes de l’élection présidentielle dans son analyse de leurs programmes environnementaux.

Référendum contre grand débat permanent

Les réformes institutionnelles souhaitées par Marine Le Pen sont des constantes du programme du RN. En premier lieu, l’usage du référendum pour laisser le vote populaire trancher certaines questions, qu’il se fasse à l’initiative du gouvernement ou des électeurs, avec un référendum d’initiative citoyenne. La candidate d’extrême droite veut, en outre, instaurer la proportionnelle et revenir au septennat (non renouvelable).

Emmanuel Macron, en revanche, n’est pas un grand partisan du référendum. Il ne l’a d’ailleurs pas utilisé lors de son quinquennat. Il s’est cependant converti à la concertation depuis la crise des « gilets jaunes ». Pendant sa campagne, le président candidat a affirmé à plusieurs reprises vouloir associer davantage les citoyens à la décision politique, avec un « nouveau grand débat », qui serait « permanent », sur des grandes réformes.

Une divergence nette sur l’Europe

En 2022, comme en 2017, Emmanuel Macron se positionne comme un candidat ouvertement pro-européen. Le président sortant a d’ailleurs profité de l’actuelle présidence française du conseil de l’Union européenne (UE) pour mettre en avant cet axe de son programme. Il propose notamment d’assurer l’autonomie énergétique de l’Europe et de renforcer les capacités des armées européennes et leur coordination.

Marine Le Pen, elle, ne propose plus directement de sortir de l’UE ou d’abandonner l’euro. Mais la candidate est en délicatesse sur ce terrain, puisqu’une large part de son programme resterait, en l’état, inapplicable dans le cadre des traités européens actuels. Officiellement, elle plaide pour renégocier ces textes. Mais elle affirme aussi vouloir consacrer la supériorité des lois françaises sur les lois européennes, au risque de mettre la France au ban de l’UE.

La politique étrangère, autre sujet de clivage

Emmanuel Macron comme Marine Le Pen ont exprimé leur souhait d’une résolution rapide de la guerre en Ukraine, et refusent que la France devienne cobelligérante. Mais alors que le président en exercice a été moteur dans la mise en place de sanctions contre la Russie, la présidente du RN estime que celles-ci menacent le pouvoir d’achat des Français.

Emmanuel Macron souhaite ne pas rompre le dialogue avec Vladimir Poutine. Marine Le Pen, dont le parti continue de rembourser un emprunt à un créancier russe, va plus loin, et propose dans son programme de rechercher une « alliance avec la Russie sur certains sujets de fond » comme la sécurité européenne.

Les deux candidats au second tour se montrent attentifs au souhait du Kremlin que l’Ukraine n’intègre pas l’OTAN. Mais à l’inverse du président sortant, Mme Le Pen milite par ailleurs pour une sortie de la France du commandement intégré de l’Alliance atlantique à l’issue de la guerre en Ukraine, au nom de l’indépendance et de la souveraineté militaire.

Les finalistes de l’élection présidentielle s’opposent également sur les traités de libre-échange. La candidate souverainiste a promis de s’opposer à ceux qui sont en cours de négociation, comme le CETA, qui doit lier l’UE et le Canada, alors qu’Emmanuel Macron estime que cet accord va « dans le bon sens » et doit aller à son terme, malgré les critiques sur son possible impact environnemental.

Sur l’immigration, Marine Le Pen beaucoup plus radicale

Emmanuel Macron comme Marine Le Pen sont sur une ligne consistant à limiter le droit d’asile. Le premier propose de faciliter l’expulsion des personnes déboutées ; la seconde veut que ces demandes soient faites en amont auprès des ambassades françaises à l’étranger, avant toute immigration.

De même, les deux candidats sont pour un durcissement de l’accès à la nationalité française, quoique dans des proportions qui diffèrent : le président sortant veut le conditionner à la maîtrise du français, sa concurrente veut supprimer le droit du sol et l’acquisition automatique de la nationalité par le mariage. Elle compte aussi inscrire dans la Constitution les circonstances menant à la déchéance de nationalité.

Marine Le Pen est également favorable à l’expulsion systématique des « clandestins, délinquants et criminels étrangers », ainsi que des mineurs sans papiers. Elle prétend également économiser plus de 15 milliards d’euros par an en appliquant sa « préférence nationale » sur les aides sociales, en excluant les bénéficiaires étrangers (ce qui contrevient au principe d’égalité inscrit dans la Constitution actuelle, et nécessiterait donc une révision constitutionnelle).

Un contraste moins marqué sur les sujets de société

Sur l’éducation, le président sortant souhaite augmenter le salaire des enseignants en échange de nouvelles missions, alors que Marine Le Pen compte le revaloriser sans condition de 3 % par an, en limitant le nombre d’élèves par classe à vingt en primaire et trente au collège. En matière d’enseignement, le premier entend réintroduire les mathématiques dans le tronc commun au lycée, réformer la voie professionnelle et promouvoir l’apprentissage ; quand la seconde souhaite avant tout revenir sur la réforme du bac, transformer le brevet en examen d’orientation et supprimer les enseignements de langue et de culture d’origine.

Le président sortant, qui avait fait de l’égalité femme-homme sa « grande cause du quinquennat », veut généraliser un index de l’égalité professionnelle, assorti de sanctions financières pour les entreprises inégalitaires. Marine Le Pen, qui s’est tardivement déclarée favorable à la loi de 2000 sur la parité après s’y être longtemps opposée, n’a pas fait campagne sur ces questions. Sur le thème des violences conjugales, en revanche, elle est favorable à ce que les conjoints et ex-conjoints violents soient jugés plus vite, quand le président sortant veut créer un fichier des auteurs de violences conjugales.

Les deux candidats ont également mis en avant leur opposition à l’islam radical. M. Macron entend lutter contre « les séparatismes », en contrôlant de manière stricte les financements étrangers du culte. La présidente du RN va plus loin et appelle à interdire le port du voile dans la rue et lors des accompagnements scolaires.

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