Mali : à Paris, le président de transition, Bah N’Daw, donne des gages

Mali : à Paris, le président de transition, Bah N’Daw, donne des gages

PRÉPARATIFS. Avant le prochain sommet du G5 Sahel, le chef de la transition malienne a été reçu par Emmanuel Macron pour la première fois depuis le putsch d’août dernier.

Dans la perspective du prochain sommet du G5 Sahel qui doit se tenir à la mi-février à N’Djamena au Tchad, le président français Emmanuel Macron mène actuellement une série de rencontres bilatérales avec les différents dirigeants du Sahel. Après le Mauritanien Mohamed Ould el-Ghazouani, le président nigérien Mahamadou Issoufou, puis le Tchadien Idriss Déby Itno, la semaine dernière, c’était au tour du président de transition du Mali, Bah N’Daw, d’être reçu par l’Élysée pour un déjeuner, ce mercredi 27 janvier, en compagnie du chef de l’État, de Florence Parly, la ministre française des Armées, et de Jean-Yves Le Drian, le patron de la diplomatie française.

L’heure de la reconnaissance internationale

C’est la première fois que Bah N’Daw est reçu à Paris. Il s’agit également de son premier séjour hors d’un pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Faut-il y voir le signe d’une reconnaissance internationale ? La question mérite d’être posée alors que, la veille de cette visite officielle, l’organe formé par les militaires qui ont renversé en août dernier l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), a été officiellement dissous. Paris l’a-t-il exigé en échange ? Ce point paraît être une exigence de la Cedeao. Une mission de haut niveau de l’organisation sous-régionale envoyée au Mali avait une nouvelle fois réclamé, le 12 janvier, que le CNSP soit « formellement dissous ». Le président Bah N’Daw avait alors informé ses pairs de la sous-région de « l’adoption d’un décret de dissolution du CNSP qui sera rendu public incessamment, ainsi que de la soumission dans les jours à venir de la feuille de route de la transition pour adoption par le CNT ». Le décret est daté du 18 janvier, il a été signé notamment par le président de transition et le Premier ministre Moctar Ouane, informe l’Agence France-Presse, qui a obtenu mardi une copie auprès d’une source proche des militaires. Il faut rappeler que l’emprise que les militaires exercent sur la transition ainsi que l’ampleur de la tâche suscitent des interrogations sur le respect des échéances fixées pour un retour des civils au pouvoir.

Bah N’Daw donne des gages sur la transition

Bah N’Daw, ancien officier sorti de sa retraite par les colonels qui ont renversé IBK, a prêté serment fin septembre à la présidence, l’un des organes de la transition mis en place par les militaires. Ces derniers ont promis de rendre les rênes aux civils après des élections. Après avoir envisagé une période de transition allant jusqu’à trois ans, les colonels se sont engagés à le faire au bout de 18 mois. Dans son message aux Maliens à l’occasion de la nouvelle année, Bah N’Daw a déclaré que « l’essence de la Transition [résidait] dans la préparation et la tenue d’élections incontestablement propres » et « tenues à date ». « Je suis l’ultime garant du processus électoral », a-t-il dit. « Je le dis clairement : personne ne prendra le processus en otage, mais, en retour, personne ne doit en être exclu », a-t-il ajouté. En dépit des doutes sur les capacités de l’armée malienne, Bah N’Daw a assuré que « l’ennemi perd du terrain ».

Les armées française et malienne renforcent leur collaboration

À l’approche du sommet de N’Djamena, les résultats concrets sont scrutés. Mardi 26 janvier, l’armée malienne a annoncé avoir éliminé une centaine de djihadistes lors d’une opération d’envergure menée conjointement avec l’armée française en janvier dans le centre du Mali. « Une centaine de terroristes neutralisés, une vingtaine capturés et plusieurs motos et matériels de guerre saisis » durant l’opération Éclipse, menée du 2 au 20 janvier par l’armée malienne et la force française Barkhane, peut-on lire dans un communiqué. Au Mali, il s’agissait de « bouter l’ennemi hors de ses zones de refuge » dans le secteur Douentza-Hombori-Boulkessi, une région de forêts clairsemées et de brousses surplombées d’un massif rocheux où sont implantés des éléments du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou Jnim en arabe), une alliance djihadiste affiliée à Al-Qaïda. D’autres groupes, liés pour leur part à l’organisation État islamique (EI), sont également présents dans la région.

Des victoires qui vont compter à N’Djamena

Paris combat les djihadistes au Sahel avec 5 100 hommes, déployés depuis 2013 aux côtés des armées du G5 Sahel. Ces armées revendiquent cependant rarement un bilan humain aussi important lors d’une seule opération face à des groupes qui ne compteraient dans leurs noyaux durs pas plus de quelques milliers d’hommes. Le secteur reste toutefois dangereux pour les forces maliennes et françaises. Fin décembre, trois soldats français y ont été tués par l’explosion d’une mine artisanale près de Hombori, une attaque revendiquée par le GSIM, tandis que six soldats maliens ont été tués le week-end dernier lors d’attaques nocturnes simultanées contre les deux camps militaires de la zone, à Boulkessy et Mondoro. Les assaillants avaient été repoussés avec l’aide de l’aviation française, une riposte qui avait fait « une trentaine de morts côté terroristes », selon Bamako. « Avec Éclipse, [les soldats] sont vraiment au cœur de la fourmilière », a souligné une source diplomatique occidentale dans la capitale malienne, citée par l’AFP.

Ces opérations antidjihadistes n’échappent pas aux polémiques. Le chef d’état-major de l’armée malienne a ordonné à la mi-janvier une enquête sur les circonstances de la mort de trois djihadistes faits prisonniers pendant leur transfèrement vers un camp militaire. Et plusieurs ONG réclament une enquête indépendante sur une frappe aérienne française près du village de Bounti. Des villageois et une association peule affirment que cette frappe a tué une vingtaine d’habitants lors d’un mariage le 3 janvier. Les autorités françaises et maliennes martèlent pour leur part que les avions de chasse français ont visé et éliminé des dizaines de djihadistes et qu’il n’y avait ni mariage, ni femmes, ni enfants. Paris « espère vraisemblablement que la polémique se sera estompée à l’approche du sommet au Tchad, où « le bilan de l’opération sera sans doute mis en avant », a déclaré à l’AFP une source onusienne.

Ce sommet, un an après celui de Pau, où les dirigeants français et sahéliens avaient décidé d’intensifier leur lutte dans la zone des « trois frontières », doit permettre de faire le point sur l’engagement français. Le président français Emmanuel Macron a d’ores et déjà prévenu qu’il comptait « ajuster les efforts » français dans la région. Pour alléger son fardeau, Paris mise beaucoup sur la nouvelle force Takuba, un groupement de forces spéciales européennes chargé d’accompagner l’armée malienne au combat.

Car, à la longue, la présence militaire française suscite régulièrement des expressions d’animosité, notamment sur les réseaux sociaux, dans la bouche de certaines personnalités et lors de manifestations épisodiques à Bamako. « Je voudrais renouveler la gratitude de notre pays envers la communauté internationale dont les armées sont à nos côtés et dont les soldats risquent leur vie pour la libération de notre pays », a redit Bah Ndaw à l’occasion du 60e anniversaire de l’armée malienne. En revanche, les hommes qui dirigent la transition au Mali pourront se targuer lors du sommet du G5 Sahel d’œuvrer pour la mise en œuvre des accords de paix de 2015, un facteur essentiel d’un retour à la stabilité au Mali. Après avoir intégré d’ex-rebelles au gouvernement, une délégation ministérielle s’est rendue lundi pour la première fois depuis des mois à Kidal, bastion des ex-rebelles indépendantistes touaregs dans le nord du pays.

 

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