Droit de vote des étrangers : on vous résume la polémique qui agite la majorité

Droit de vote des étrangers : on vous résume la polémique qui agite la majorité

Le député Sacha Houlié (Renaissance) a déposé mardi 9 août 2022 une proposition de loi pour « accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales » à tous les étrangers, suscitant les critiques à droite, comme dans son camp.

En plein été, la proposition du député Renaissance (ex-LREM) Sacha Houlié n’aura échappé à personne : « à titre personnel », celui qui est aussi président de la Commission des Lois à l’Assemblée propose de donner le droit de vote aux étrangers hors Europe aux élections municipales.

Son idée, vivement critiquée dans son camp, à droite et à l’extrême droite, est accueillie plutôt positivement à gauche. Pourquoi cette proposition, qui revient souvent sur la table en France, a-t-elle déclenché d’aussi vives réactions ? On vous résume la polémique.

1. D’où part la polémique ?

C’est le député macroniste Sacha Houlié, président de la Commission des Lois à l’Assemblée, qui a déposé cette proposition de loi constitutionnelle mardi 9 août 2022. Le député Renaissance, venu de la gauche, souhaite « accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales » à tous les étrangers, même non européens.

« Cette reconnaissance se fait attendre. Nous la devons pourtant à celles et ceux qui bien souvent et depuis longtemps participent au dynamisme de notre société », peut-on lire dans le texte. Sacha Houlié présentera cette proposition de loi, au groupe Renaissance à la rentrée parlementaire.Droit de vote des étrangers : une proposition de loi relance le débatLe président de la commission des lois, Sacha Houlié, proposera à la rentrée à son groupe Renaissance.

Mais Sacha Houlié représente l’aile gauche d’un parti majoritaire où les centristes et la droite sont aussi très représentés. Le député a eu beau dire que la proposition avait été déposée « à titre personnel », certains observateurs ont critiqué sa démarche, sans consultation ni discussion avec son groupe, rappelle Le Parisien .

Une démarche vue aussi comme une opposition à la cheffe des députés Renaissance à l’Assemblée, Aurore Bergé, ancienne LR. « Nous en discuterons à la rentrée en groupe. Comme pour chaque PPL (proposition de loi), d’abord devant le bureau du groupe puis devant tout le groupe », a-t-elle réagi auprès du Parisien, assurant qu’il n’y avait « aucun sujet tabou ».

D’ailleurs, dans son camp, les réactions ne se sont pas fait attendre : le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, lui aussi membre de Renaissance (ex-LREM) s’est dit « fermement opposé à cette mesure », a indiqué à l’AFP son entourage.

2. Où en est le droit de vote des étrangers en France ?

En réalité en France, le droit de vote existe déjà pour les Européens. Depuis 1992 et le traité de Maastricht, les citoyens des pays membres de l’Union européenne peuvent voter aux élections municipales et européennes. Ils peuvent même se présenter aux élections locales mais n’ont pas de droit de vote aux élections présidentielles et législatives.

Dans son texte, Sacha Houlié dénonce une « discrimination » entre « deux catégories d’étrangers » : les Européens et les autres. « Ça ne choque plus personne de voir des Espagnols ou des Bulgares voter aux élections municipales en France. Mais ça a choqué beaucoup de gens que les Anglais n’aient plus le droit de voter en France après le Brexit », explique le député de la Vienne à l’AFP.

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3. Pourquoi cette proposition, déjà portée plusieurs fois, est-elle tombée à l’eau ?

Serpent de mer à gauche, le droit de vote des étrangers aux élections locales faisait déjà partie des 150 promesses de François Mitterrand en 1981, mais elle n’a jamais été mise en œuvre.

Trente ans plus tard, c’était la 50e proposition de François Hollande au moment de la campagne pour la présidentielle de 2012. Trois ans après son élection, son premier ministre Manuel Valls enterrait la réforme, rapportait Le Monde .

La raison ? Le manque d’une « majorité qualifiée » au Congrès. En effet, pour inscrire le droit de vote des étrangers dans la loi, il faut modifier la Constitution. Deux solutions se présentent : réunir les députés et sénateurs en Congrès et faire voter la proposition à une majorité qualifiée de trois cinquièmes. C’est cette majorité en laquelle Manuel Valls ne croyait plus.

Autre solution : poser la question aux Français lors d’un référendum. Mais François Hollande, qui avait déjà perdu en popularité à l’époque, n’était pas certain du résultat. On pouvait craindre que le scrutin se transforme en vote sanction à l’égard du président. Les sondages de l’époque, qui donnaient des résultats très différents, avaient du mal à donner une tendance.

En 2011, c’est autour de Nicolas Sarkozy qu’une polémique éclate sur ce sujet particulièrement sensible. Alors que le Président s’est prononcé contre le droit de vote des étrangers aux élections municipales, l’opposition a rappelé qu’il n’avait pas toujours été contre cette idée, ressortant des propos tenus en 2005 par celui qui était alors ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, rappelle Europe 1 .

J’ai considéré que le droit de vote aux seules municipales, pour des étrangers présents depuis dix ans sur le territoire national, respectant nos lois, payant leurs impôts, et ayant des papiers était une question qui devait être ouverte. En ce qui me concerne, j’y suis favorable.

— Nicolas Sarkozy en 2005

Une position sur laquelle il est donc revenu quelques années plus tard.

4. Comment ont réagi les oppositions ?

À droite, le député LR Éric Ciotti a tweeté qu’il s’opposerait « de toutes (ses) forces » à ce texte « grave et dangereux ».

Contre également, le député LR Philippe Juvin a fait valoir que « la République, c’est le lien entre nationalité et citoyenneté », et indiqué qu’il « voterai(t) donc contre cette proposition de loi ».

À l’extrême droite, le président par intérim du Rassemblement national Jordan Bardella dénonce aussi une « dépossession finale des Français de leur pays » et une proposition faite « en douce » par la majorité.

De l’autre côté du spectre politique, la gauche se réjouit, tout en restant prudente sur la sincérité de la proposition. « Nous nous ferions un plaisir de la voter », a assuré sur Europe 1 la députée LFI Manon Aubry, rappelant que c’était une proposition « soutenue de longue date » par LFI, et par la Nupes, qui lie LFI, le PS, EELV et le PCF depuis le mois de mai. « Je souhaite que cela aille au bout », mais « j’ai mes doutes », a-t-elle ajouté.

« Nous soutiendrons toutes les démarches allant dans ce sens », a argué le député LFI Alexis Corbière sur Twitter, s’interrogeant toutefois pour savoir s’il s’agissait de la part de Sacha Houlié d’un « effet d’annonce » ou d’une « démarche sincère ».

Chez les écologistes d’EELV, le maire de Grenoble Éric Piolle a salué sur LCI « une excellente idée », soulignant qu’« EELV soutient fortement cette proposition ».

5. Qu’en est-il en Europe ?

En Europe, tous les pays ne sont pas alignés. L’Allemagne, l’Autriche et l’Italie n’autorisent pas les étrangers hors UE à voter. En Espagne et au Portugal, c’est possible, sous réserve de réciprocité. La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède accordent le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis quelques années, précise le site Vie Publique.

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