Covid-19 : pourquoi l’Afrique doit changer de paradigme

Covid-19 : pourquoi l’Afrique doit changer de paradigme

S’il peut être difficile de prévoir à ce stade les conséquences sanitaires qu’aura la pandémie de Covid-19 en Afrique subsaharienne, tout indique que l’économie de la région sera durement affectée. D’une part, les pays de cette zone dépendent largement de l’exportation des matières premières – pétrole, cacao, coton, etc. – qui voient leurs cours baisser avec la chute de la demande mondiale. Selon les données de la Cnuced, la baisse des prix des matières premières est de 37 % en glissement annuel au 25 mars 2020 dans leur globalité. Elle est de 55 % pour les hydrocarbures ; le cours du cacao subit une baisse de 11 %, celui du coton de quasiment 23 %. Des développements plus récents semblent accentuer cette tendance à la baisse.

D’autre part, les pays africains sont importateurs des denrées de première nécessité, dont les chaînes d’approvisionnement sont très perturbées. La baisse du volume des exportations associée à la détérioration des termes de l’échange conduira donc à un problème de soutenabilité des comptes extérieurs de ces pays.

 degré de prévisibilité des conséquences du Covid-19, dans un horizon d’incertitude planétaire, démontre pour ainsi dire que pour l’Afrique, au moins, cette pandémie n’est pas de l’ordre de la conjoncture – au sens d’un système qui fait face, à un moment donné, à un choc –, mais plutôt de l’ordre du structurel – au sens d’un système parti pour subir des chocs perpétuels. Et si c’est donc la structure des économies africaines qui fait problème, les réponses à la pandémie de Covid-19 en Afrique ne devraient pas s’affranchir d’intégrer la composante structurelle. Une condition essentielle pour cela réside dans la capacité des élites politiques, administratives, économiques et intellectuelles à percevoir les ressources naturelles dont dépendent les pays africains comme une opportunité de transformer leurs économies au lieu de les percevoir comme des rentes pérennes – ce qu’elles ne sont pas.

Les ressources naturelles : ce n’est pas rien mais ce n’est pas tout !

S’il y a bien un pays dont les élites ont été confrontées aux mêmes opportunités et défis associés aux ressources naturelles, et que les élites africaines devraient étudier de près à défaut de s’en inspirer, c’est la Malaisie. Les exemples des dragons d’Asie sont en réalité assez peu informatifs pour les pays africains, en raison des différences de caractéristiques initiales des économies. A contrario, la Malaisie, quant à elle, possédait une structure initiale de l’économie comparable à celle des pays africains, car dépendant des ressources naturelles – à savoir, l’étain, le caoutchouc, l’huile de palme, et le pétrole.

Lors du premier choc pétrolier de 1973, le revenu réel par habitant de la Malaisie – 2 400 dollars US, en termes constants – se situait à des niveaux comparables à ceux des pays d’Afrique subsaharienne au même moment – 1 460 dollars US en moyenne. En 2018, soit 45 ans plus tard, le revenu réel par habitant de la Malaisie a quintuplé – il s’élève désormais à 12 120 dollars US –, tandis que ceux de ses homologues africains n’ont quasiment pas bougé – 1 660 dollars US en moyenne.

Les élites malaysiennes y sont arrivées en saisissant les ressources naturelles pour transformer leur économie via notamment des fondamentaux de la croissance à long terme – institutions, capital physique (infrastructures) et capital humain (éducation et santé). Une meilleure interprétation par les élites africaines de ces fondamentaux pourrait permettre d’enclencher la diversification du tissu économique, de présenter plus de résilience face aux chocs de court terme tout en plaçant les économies sur une trajectoire de long terme de développement.

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